Palais de justice #2


Respectant la demande de la juge lors de la journée précédente, je me suis présentée à nouveau au Palais du Justice, hier matin.
J’avais le coeur plus léger sachant bien que je ne pourrais me faire assigner à un procès aussi difficile que celui de lundi. La juge ne me l’avait pas confirmé, mais dans sa voix, je comprenais bien que ça ne serait pas comparable. J’ai donc fait mon entrée dans cette immense et majestueuse bâtisse de la rue St-Antoine, le pied léger, cheveux au vent et ayant l’air de savoir exactement où je m’en allais. J’étais déjà à l’aise de déambuler parmi les toges et les tailleurs-escarpins après seulement 24h. Faut l’faire!
La salle qui nous a été réservée ce matin-là était beaucoup plus petite que l’autre. Nous étions environ 75, à attendre avec impatience l’histoire du jour.
Vers 9h, on nous a fait lever pour accueillir un juge assez rigolo, merci. Je m’attendais à un personnage froid et distant, en voyant ses lunettes sévères et ses cheveux gris. La preuve qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Je crois qu’il s’était donné la mission de nous faire rire. Il a réussi. Monsieur le juge n’a pas pris le temps de nous expliquer notre rôle puisque tous les candidats avaient eu ces informations la veille. Il s’est contenté de nous présenter la cause. Dès le départ, il a mentionné que ce serait une cause courte et facile. “Voies de fait ayant causé des lésions.” Il a pointé un homme dans le “box” des accusés et nous a dit que nous allions décider à la fin du procès s’il était coupable ou non. Cet homme, n’avait pas l’air d’un criminel, mais bon…En bon juré, je ne dois pas me faire d’idée avant d’avoir vu et entendu la preuve.
Monsieur le juge a nommé tous les témoins qui devaient être appelés à la barre et nous a demandé de nous manifester si nous connaissions l’un d’eux. Il a aussi demandé s’il y avait des candidats qui désiraient demander une exemption. Pas de ras de marée cette fois-ci. Nous sommes donc TOUS sortis dans le corridor.
Les greffières ont fait une pige de 20 noms. Elles sont venues chercher les 20 premiers candidats à se présenter devant le juge et les avocats. Seules choses à mentionner devant le juge, notre année de naissance et l’emploi occupé. Malheureusement, je n’étais pas dans le premier groupe. Je me suis mise à marcher pour passer le temps. Je voyais les gens sortir de la salle et m’en réjouissais. J’aurais peut-être une place sur ce jury. J’aurais sûrement une place! Je me disais que 4 à 8 jours de procès me permettraient de vivre jusqu’au bout cette expérience sans négliger mon travail et ma vie privée.
Vers 10h, ils ont appelé le deuxième groupe de 20. “Bad luck”, je n’y étais pas encore! Je me suis mise à marcher et à compter les gens qui sortaient. Je souhaitais être du prochain groupe, car j’avais le préssentiment que je serais choisie. J’avais presqu’envie de dire au juge que j’étais habituée de régler ça des chicanes de cour d’école, mais je n’en ai pas eu la chance.
À 10h30, on nous a annoncé que le jury était complet. J’étais tellement déçue et je n’étais pas la seule. Les gens ont partagé leur déception et sont retournés dans la salle à la demande du juge. Le juge nous a remercié et a tenu à nous présenter fièrement le jury. Ensuite, pendant environ une demi-heure, nous avons eu droit à toute la “poutine” concernant le travail de juré ( salaire, repas, heures de travail, code vestimentaire, etc.)
Vers 11h, une greffière nous a escortés au bureau du Shérif afin de recevoir notre attestation de présence à la cour pour notre employeur. Par la suite, j’ai avisé avec regrets mon employeur que je serais de retour dès le lendemain.
Puis, sur la pointe des pieds, je me suis présentée au kiosque d’informations pour connaître le numéro de salle où se tenait le procès de Stéphanie Meunier (procès de la veille). On m’a indiqué la salle 4.05.
Un étage plus bas, j’ai salué mon ami Charlie qui était stationné avec sa grosse caméra de médias et suis entrée tout doucement dans la dite salle. J’étais curieuse de voir les jurés, des gens que j’avais côtoyés la journée précédente. Je les ai regardés et trouvés tellement courageux de prendre part à cette cause. Je leur souhaite bonne chance et espère qu’ils n’en garderont pas de séquelles.
J’ai tenté de voir l’accusée. Elle était cachée derrière un mur de verre givré, mais faisait face aux 12 jurés. OUF! Je crois que c’est une bonne chose cette vitre givrée. J’aurais pu garder cette image dans ma mémoire et en faire des cauchemars. Pendant les quelques minutes où j’ai assisté au procès, j’ai vu à l’oeuvre l’avocate de la défense interrogeant un policier. Le policier qui avait pris les photos de la scène de crime. J’avoue que l’avocate semblait avoir l’affaire en mains. Elle a questionné le témoin avec les mêmes questions de tous bords tous côtés. J’ai même senti un malaise à un moment donné du côté du policier. C’est là que le procureur de la Couronne a demandé un arrêt des procédures et la sortie du jury. J’en ai profité pour me glisser en douce hors de la salle. J’en avais assez vu. J’ai été très surprise et aussi triste de constater que la salle d’audience était quasi-vide.
Je suis passée à la caisse une dernière fois pour mon remboursement de frais et suis sortie de l’édifice en me disant que…pour une première fois à la cour criminelle, j’en avais eu pour mon argent et je ne parle pas des indemnisations financières.

Je garde un fantastique souvenir de cette expérience. Je vais m’en rappeler toute ma vie. Je me considère même chanceuse d’avoir été appelée à y participer. J’y ai appris tellement en 2 jours…Je me demande ce qu’un séjour de 5 ou 6 semaines à la cour aurait pu m’apporter personnellement. Je parle ici d’un procès décent, bien entendu. J’imagine le procès en cours et ne m’imagine pas belle, belle à voir après 6 semaines. J’y ai échappée belle!
Pendant les semaines qui ont précédé cette aventure, je n’ai jamais osé me faire de scénarios négatifs. J’ai toujours eu l’impression que la vie avait mis cette épreuve sur ma route pour une ou plusieurs raisons. Je crois que pour une fois, j’ai réussi assez facilement le “lâcher-prise”. Avec du recul, je réalise que cette réussite m’a permis de comprendre plusieurs aspects de ma vie que je me permettrai de garder secrets. L’important dans tout ça, c’est que tout est bien qui finit bien…POUR MOI en tout cas!

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