À la pêche...



Je n’ai pas de lecteur CD dans ma voiture. Mes amis rient de moi. Les gens qui acceptent quand même de voyager avec moi essaient de ne pas trop montrer leur déception. De mon côté, j’essaie de maintenir une conversation dynamique et surtout divertissante. Rouler 2 heures ça va bien, 4 heures on commence à chercher à meubler les silences et 6 heures, je donne la permission à mon co-pilote de se taper un p’tit roupillon. Lorsque je voyage seule c’est différent. J’aime bien écouter les émissions de radio. Je n’ai pas de radio chez moi. Une drôle de bibitte, me direz-vous? J’accepte le titre. 
 Les émissions diffusées en région me plaisent tout particulièrement. Je ne veux pas faire ma snob, mais parfois…ça vole pas haut. Je papillonne d’un poste à l’autre et m’arrête sur des sujets qui semblent croustillants.
Me dirigeant vers le Bas du Fleuve pour des vacances, j’ai entendu à la radio une drôle de révélation. Les animatrices avaient fait un sondage. “Les métiers sexy”. Du côté des filles, pas trop de surprises (l’hôtesse de l’air, l’infirmière, la secrétaire…) Ils ont oublié la maîtresse d’école et la bibliothécaire cochonne.  Du côté des gars, je m’attendais au pompier, pilote d’avion, mais non…l’architecte est arrive en 1re position! Un gars qui dessine, qui fait des plans, c’est sexy? Ben, s’il le fait en slip et bedaine et qu’il a un body d’enfer (donc pas de bédaine)…ok! Mais bon!
Je me suis mise à réfléchir à ce que j’aurais répondu à leur sondage. Moi, je trouve que le gars de la construction est pas mal. Beau gars en jeans et t-shirt, bottes à cap d’acier et sueur comprise. Le cuisinier, un Curieux Bégin pour qui j’ai le béguin…  Le pêcheur d’éperlan n’est pas mal non plus. Pendant mon séjour sur le bord de la mer, j’ai eu le privilège d’être invitée par un pêcheur d’éperlan expérimenté. Un gars de la place, un vrai. Je ne me doutais pas qu’il restait encore des spécimens du genre.
Tout d’abord, il s’est levé aux aurores pour aller chercher ses appâts. Il a enfilé ses grosses bottes de caoutchouc pris sa fourche et sa chaudière et a relevé une bonne dizaine de grosses roches. Même les sangsues étaient sous son charme et se laissaient prendre par lui facilement.
Ensuite, il a descendu en bas de la falaise et à bout de bras svp,  la chaloupe et le moteur sur la grève.
Puis, il a roulé ses jeans et pieds nus dans les galets, il a glissé l’embarcation dans l’eau glacée. Comment je le sais? J’ai dû faire la même chose.
Nous sommes partis cheveux au vent, soleil en plein visage sur le fleuve, à la pêche à l’éperlan. Je me suis installée à l’avant du bateau telle une sirène hors de l’eau. Arrivés à un emplacement de choix, il m’a avoué que lorsqu’un gars réussissait à emmener une fille à la pêche à l’éperlan c’est que c’était “La bonne”. Puis, si la fille en question était capable de mettre les sangsues sur l’hameçon, cette union allait durer très longtemps. Je n’étais pas au courant de cette légende ou tradition. Je vous laisse deviner ce que j’ai fait.
Bon, fini les folies. La sirène était impatiente, la pêche pouvait commencer. Le pêcheur a choisi ses sangsues grouillantes avec courage, il les a tranchées et ensuite accrochées à mains nues sur l’hameçon. J’étais dégoûtée de voir les bêtes gluantes se tortiller, mais en même temps impressionnée par  l’aisance avec laquelle ce pêcheur exceptionnel s’affairait à nourrir les poissons.
Ce ne fût pas la pêche miraculeuse. Petit inconfort dû à la pression de la légende peut-être? Nous avons cependant rapporté assez de poisson pour
y goûter.
Il a arrangé les minuscules poissons, les a fait frémir dans son poêlon. C’était absolument délicieux! Le sexy-chief Louis-François Marcotte peut aller se rhabiller. 

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