S'échouer...


Depuis quelques temps, Josée (nom fictif) ne se sent pas bien. Elle a des maux de tête, se sent plus fatiguée qu’à l’habitude, a des problèmes de digestion. Josée attribue tous ces maux à sa vie qui va vite ainsi qu’à ses nombreuses responsabilités familiales. Elle file le parfait bonheur avec son amoureux depuis environ dix ans et chérit ses deux jeunes adultes. Elle a même en bonus une charmante petite-fille.
Constatant qu’elle semble perdre des plumes, son entourage lui suggère d’aller consulter un médecin. Elle leur répond à plusieurs reprises qu’elle n’a pas de médecin de famille. Josée repousse donc la consultation et finit parfois par oublier ses malaises. Sa vie tourbillonnante prenant le dessus.
Un matin, elle constate qu’une masse a fait son apparition sur son corps. Elle se demande si elle rêve, si elle a bien palpé. La frousse l’envahit soudainement et l’urgence de consulter se fait sentir. Josée se présente à trois cliniques de son quartier. Comme elle n’a pas de dossier, elle se fait retourner à chaque fois. À son arrivée à la maison, elle s’installe au téléphone. Elle se dit qu’elle ira même dans un autre quartier que le sien pour chercher un peu de quiétude et peut-être des réponses à ses questions. Même au téléphone, on la retourne. Le découragement se fait sentir et l’angoisse prend de la place. Elle se demande bien où elle pourrait aller s’échouer.
Après une nuit d’insomnie, elle décide de se présenter à l’urgence de l’hôpital le plus près de chez elle. On lui dit que c’est une place pour des urgences et qu’elle devrait consulter un médecin pour passer des tests. Finalement, à bout de ressources, elle se tourne vers un médecin qui l’a suivie, il y a plusieurs années. L’entente n’avait pas été parfaite, mais elle se dit qu’elle n’a pas le choix. Après s’être presqu’engueulée avec la secrétaire, elle réussit à avoir un rendez-vous le mois suivant.
Pendant ce temps, la masse semble grossir en même temps que sa peur qui prend toute la place tandis que l’énergie elle, s’en va et de nouveaux symptômes font leur apparition. Le temps passe…
La journée du rendez-vous, elle sent un petit regain de vie. Serait-ce la possibilité d’être enfin prise en charge? Le médecin la reçoit et lui sert un sermon digne des plus grands films d’horreur. Elle aurait dû consulter avant, se prendre en main etc. C’est incompréhensible pour Josée, car elle sait bien qu’elle a tenté en vain de se faire voir pendant les semaines précédentes. Elle sort du bureau abattue, requête en mains pour aller passer une mammographie.
Elle est tellement sous le choc qu’elle se couche en arrivant chez elle et se met à délirer. Son fils qui ne reconnaît plus sa mère, appelle l’ambulance. Josée est hospitalisée depuis une semaine. Oui, c’est là qu’elle a échoué, c’est là qu’elle devait échouer…
Le “tueur en série” a encore frappé, mais cette fois-ci en trio. Le cerveau, le sein et l’utérus…
À 48 ans, Josée doit se résigner à faire ses adieux à sa famille, à ses amis, à sa vie…et elle n’est pas prête.
Comment réagir à cette abominable nouvelle? Le choc passé, je réfléchis, je me demande…Quel message doit-on retenir? Comment doit-on orienter sa vie? Doit-on s’inquiéter davantage de nos petits bobos? Est-ce qu’on doit se réjouir d’avoir un médecin de famille? Doit-on se rendre dans la rue manifester pour un meilleur système de santé? Je cesse d’y penser pour un temps. Le temps d’être en pensée avec cette amie qui lutte avec courage pour passer le plus de temps possible avec ses proches …Les réponses viendront bien plus tard…s’il y a lieu. 

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